Boulevard Saint-Laurent, 9h du matin, je commande mon premier café de la journée et sors tout naturellement le journal de mon sac. Tout autour, les regards quittent les écrans d’ordinateurs portables pour se poser sur moi. J’ai l’impression d’exhiber une plume et un encrier au royaume du stylo à bille. Ici, devant sa tasse, on ne déplie pas son journal, on navigue sur le web. Habitués collés à leurs écrans, cafés spéciaux, tapas gastronomiques, bières artisanales et surtout connexion Internet haute vitesse gratuite, un café branché du Mile End qu’Hugh McGuire fréquente comme un bureau.
Selon son curriculum, il devrait être ingénieur. En fait, il écrit des livres. Récemment, Hugh McGuire a signé Montréal from beer to whiskey, un guide de sorties montréalaises. Actuellement, il écrit un roman intitulé Blind Spot dont les deux premiers chapitres sont accessibles sur son blog. Il est aussi le fondateur de Librivox. Un site web qui met à disposition gratuitement, en format audio, des livres lus par des bénévoles. Le projet a célébré son premier anniversaire au début du mois d’août. En un an, plus de 1500 personnes, toutes volontaires, ont adhéré au projet et 250 œuvres dans neuf langues différentes ont été enregistrées et placées dans le catalogue du site.
Pour l’amour des voix
«Ma mère me lisait beaucoup d’histoires quand j’étais enfants», confie Hugh McGuire en sirotant son jus d’orange. Aujourd’hui, ça n’a pas changé sauf que ce sont ses amis virtuels d’un peu partout dans le monde qui lui font la lecture. Il télécharge leurs textes et les écoute de son baladeur numérique partout où il va et il semblerait qu’il ne soit pas le seul puisque, depuis un an, près de 50 000 fichiers sonores ont été téléchargés de LibriVox. L’idée du projet est aussi simple que ça : «en fait, au départ, je cherchais un livre audio à écouter sur la route parce que je devais faire un voyage de six heures. Comme je n’en ai pas trouvé, j’ai décidé d’en faire.» Avec un petit groupe de collaborateurs, l’écrivain s’est donc lancé dans l’enregistrement de The Secret Agent de Joseph Conrad.
Des livres à écouter ? l’idée peut paraître saugrenue à côté d’une entreprise comme le projet Gutenberg qui numérise des ouvrages et les rend accessibles gratuitement sur la toile. Pourquoi cet intérêt pour la lecture à haute voix ? La question fait poindre un sourire gêné sur le visage de McGuire. Il s’empresse d’avaler une gorgée de jus d’orange avant de répondre timidement «j’ai toujours été séduit par les voix et les accents. J’écoute beaucoup la radio. J’adore allumer la radio surtout tard le soir. Tu allumes ton poste et tu tombes sur quelqu’un qui te raconte une histoire, c’est génial !»
Comme la radio, LibriVox fait entrer chez soi une, cinq, voire quinze personnes qui font la lecture d’un seul livre mais toutes avec un accent et un style différents. Certains sont expressifs et enjoués et on reste accroché à leur voix comme à celles des acteurs d’un radio roman; d’autre sont plus scolaires et classiques et on leur prête une oreille comme aux leçons d’anglais sur cassette que l’on écoutait à l’école. Si certains enregistrements rappellent autant nos premiers cours de langue, c’est que LibriVox est un site majoritairement anglophone. Le forum est en anglais et la majorité du catalogue de livres l’est également. La communauté LibriVox manque de volontaires francophones. Après un an d’existence, le premier ouvrage en français, Les liaisons dangereuses de Chaderlos de Laclos, n’est qu’à l’étape de l’enregistrement. Il devrait être disponible sur le site au cours de l’automne.
Extrait de Ouïe-Lire, signé par moi-même ! Lisez la suite dans le Quartier Libre du 30 août !